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A Mayotte, ces migrants africains dans l’impasse

« C’est mon village. » Attablé à l’un des snacks bordant la gare maritime de Mamoudzou, d’où partent les barges pour relier l’île de Petite-Terre, Martin Kalembu tend son téléphone portable. Comme une explication évidente à sa vie suspendue : « Je suis à Mayotte depuis quatre ans, à attendre, sans pouvoir travailler. » A 37 ans, ce père de deux enfants a fui son pays, la République démocratique du Congo (RDC), fin 2018, avec son épouse enceinte et sa fille âgée de 1 an.
Après deux traversées périlleuses dans l’océan Indien, ce cadre d’une société de microfinancement s’est réfugié dans ce département français. Sur l’écran de son portable s’affiche un article de Radio France internationale relatant un procès à Mbobero, une localité située dans le Sud-Kivu. En janvier 2016, des militaires sous les ordres du président congolais de l’époque, Joseph Kabila, ont rasé en partie les maisons de cette petite commune. Le dictateur avait affirmé avoir acheté plus de 300 hectares de terres de Mbobero avec l’intention de s’y installer. De nombreuses personnes y ont été tuées lors de multiples exactions commises par les militaires du président ayant quitté le pouvoir en 2019.
« Activiste dans une association de défense des droits de l’homme », Martin Kalembu était recherché. « Je n’avais pas les moyens de me cacher », relate-t-il. Le couple et leur enfant ont rejoint en voiture le Burundi et sa capitale économique, Bujumbura, où ils sont restés deux mois. Martin Kalembu a ensuite travaillé six mois en Tanzanie afin de réunir des économies pour financer un exil en deux temps vers Mayotte. D’abord entre Dar es-Salaam et les Comores. Puis, dans la nuit du 23 au 24 juillet 2019, en kwassa-kwassa, ces barques à fond plat utilisées par les passeurs pour effectuer de nuit les 70 kilomètres qui séparent l’île d’Anjouan du département français. La première étape a coûté 150 euros par personne, la seconde 600 euros. « A bord du kwassa-kwassa, nous étions dix, venus du Congo, du Burundi et du Rwanda, raconte Martin Kalembu. Il existe une corporation de passeurs en Tanzanie qui ont des contacts aux Comores. »
Depuis 2015, Mayotte est devenue une route migratoire pour les habitants de l’Afrique des Grands Lacs permettant de rejoindre la France et l’Europe. Une porte d’entrée avec un parcours moins risqué que « la traversée de zones désertiques en Libye et de la Méditerranée », relève Gilles Foucaud, directeur adjoint de Solidarité Mayotte, une association mandatée par la préfecture pour accompagner les demandeurs d’asile ou ceux qui ont obtenu la protection internationale liée au statut de réfugié politique. L’association gère un total de 535 places d’hébergement continuellement occupées. Faute de solutions, près de deux cents migrants sont installés dans la rue et dorment sur des matelas autour des locaux de l’association, qui constitue un « repère ».
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